Le sommeil de l’adolescent : comment l’améliorer ?
Conséquence des bouleversements hormonaux, le sommeil de l’adolescent est souvent troublé. Dormant plus tard et moins bien, ce dernier accuse fréquemment un manque de repos. Pourtant, à cet âge charnière de la vie, dormir suffisamment est crucial. Dans cet article, nous allons voir en quoi un sommeil de qualité est essentiel au bon développement de l’esprit et du corps de l’adolescent. Puis, nous verrons quelles habitudes mettre en place pour résoudre les difficultés d’endormissement propres à cet âge de la vie.
Le sommeil de l’adolescent: ses spécificités
Le sommeil est une mécanique savamment orchestrée par le corps, qui fait partie du rythme circadien. À l’adolescence, comme d’autres fonctions vitales, cette mécanique connaît d’importants bouleversements.
Vue d’ensemble
Les recherches en biologie ont montré que l’organisme dispose d’une forme d’horloge interne. Il est donc capable de comprendre le temps qui passe et d’organiser son fonctionnement en cycles tenant compte de l’avancée de la journée. Le corps sécrète donc le matin des hormones stimulantes telles que l’adrénaline et le cortisol.
Ces produits chimiques endogènes nous donnent de l’énergie pour nous lever et démarrer notre journée. Puis à partir de midi, la sécrétion d’hormones plus calmantes et somnifères organise doucement l’entrée en sommeil. C’est notamment le cas de la mélatonine, ou encore de l’adénosine. Cette dernière, notamment, est connue pour sa puissante action inhibitrice sur l’activité du cerveau, qui ne l’évacue que lors du sommeil lent profond.
Son accumulation dans le cerveau est donc un témoin sûr du manque de sommeil chronique. Elle participe ainsi aux troubles de l’apprentissage et de l’attention liés aux insomnies.
Par ailleurs, le sommeil lui-même est découpé en cycles de 90 minutes, eux-mêmes découpés en phases. Ainsi, on distingue trois phases du sommeil : le sommeil lent-léger, le sommeil lent-profond et le sommeil paradoxal. Chacune de ces phases se répète plusieurs fois pendant la nuit, et joue un rôle différent dans les processus de récupération. Le sommeil lent-profond, par exemple, est la phase durant laquelle on observe le mieux l’activité du système immunitaire et la sécrétion d’hormones de croissance. Le rôle de cette phase est donc essentiel pour rester en bonne santé. Les sportifs doivent aussi compter dessus pour renforcer leurs muscles. Pendant le sommeil paradoxal, le cerveau est par contre l’organe le plus actif. Les rêves, qui se produisent à 80% pendant cette phase, sont d’ailleurs témoins de ce pic d’activité. Les chercheurs pensent aujourd’hui que le sommeil paradoxal serait donc le plus impliqué dans les processus d’apprentissage.
L’organisation du sommeil des jeunes
Le sommeil est donc une période indispensable de notre journée. Pendant qu’on dort, l’organisme récupère par l’œuvre de plusieurs mécanismes. Des hormones sont spécifiquement sécrétées pendant le sommeil, la reconstruction musculaire est rapide, et le cerveau traite les informations de la journée. Ainsi, la privation de sommeil entraîne de nombreux problèmes de santé, et même des troubles de l’apprentissage. Comme bien manger, dormir correctement relève donc d’un enjeu capital pour la santé. Pourtant, l’équilibre du sommeil est souvent précaire chez les adolescents. En effet, point de bascule dans la vie, l’adolescence est le moment d’évolutions physiques majeures. Aussi, ces changements sont conduits par une véritable tempête d’hormones dont la sécrétion n’est pas sans conséquence sur l’équilibre du sommeil, au demeurant si fragile.
Chez la majorité des adolescents, on observe ainsi un retard de phase. Autrement dit, les adolescents tendent naturellement à se décaler et à se coucher plus tard que lorsqu’ils étaient enfants. Les parents, inutile de vous en blâmer !
En effet, cette tendance découle de la biologie et non d’un manque de volonté ni de discipline. Pour autant, cette inclination naturelle peut aujourd’hui se voir renforcée par l’effet du lumière bleu: les écrans et autres jeux-vidéos, qui perturbent eux aussi le rythme du sommeil. Par ailleurs, pour l’ado, se coucher tard peut relever d’une forme de rébellion. Malheureusement, le croisement de ces divers facteurs n’est jamais compensé par une adaptation de l’emploi du temps scolaire.
Cela conduit la plupart des adolescents au manque chronique de sommeil. Ainsi, l’INSERM estime que l’adolescent moyen manque d’une à deux heures de sommeil par nuit. Ce carence est considérable. Or, cette dette de sommeil ne va pas sans conséquence sur la santé ni sur la construction physique et psychique de nos ados.
Manque de sommeil et cerveaux des ados: quel lien ?
À tout âge de la vie, le manque de sommeil chronique s’accompagne de différents problèmes de santé. On compte parmi ceux-ci la dépression, l’affaiblissement immunitaire, l’accroissement du stress oxydatif (vecteur de cancers), l’accroissement du risque d’obésité ou de conduites addictives.
Malheureusement, plus concernés par le manque de sommeil que le reste de la population, nos jeunes connaissent davantage que les autres ce type de troubles. Mais plus inquiétant encore, le manque de sommeil à l’adolescence aurait un impact délétère sur le développement du cerveau. Ainsi en 2016, une étude a été conduite par l’INSERM, en lien avec l’université Paris-Descartes, sur le sommeil adolescent. D’une part, l’étude a montré que la plupart des adolescents observés dans la région parisienne ne dorment pas assez. Nombre d’entre eux accumulent une dette de sommeil pendant la semaine, qui ne peut qu’être partiellement compensée pendant le week-end. Mais surtout, des imageries cérébrales ont été réalisées sur les sujets étudiés, qui avaient tous 14 ans. Or, le constat est sans appel : les adolescents manquant de sommeil disposent de moins de matière grise que les autres. De plus, il y a une relation de dépendance entre le volume de matière grise en déficit et la quantité de sommeil manquante. Selon le directeur de l’étude, Jean-Luc Martinot, cette étude montre que le manque de sommeil à l’adolescence diminue le potentiel intellectuel, et donc les chances de réussite scolaire.
Bon à savoir : En matière de sommeil, l’adolescence n’est heureusement pas marquée que par des aspects négatifs. En effet, à l’adolescence, le besoin en sommeil lent-profond diminue. Par rapport au sommeil des enfants, la première phase de sommeil lent-profond est aussi retardée après l’endormissement. Or, cette diminution de la part du sommeil lent-profond en première partie de nuit est corrélée à la réduction, voire à la disparation de certains troubles du sommeil fréquents durant l’enfance : somnambulisme, énurésie nocturne et terreurs nocturnes notamment.
6 bonnes habitudes pour un sommeil de l’adolescent bénéfique
Selon l’INSERM, l’étude que nous avons évoquée en partie précédente doit relancer le débat de l’aménagement des emplois du temps scolaires à cette période critique de la vie. Néanmoins, en attendant d’éventuels changements, chaque adolescent (et enfant d’ailleurs) peut, avec le soutien de sa famille, mettre en place de saines habitudes pour gérer au mieux l’impact de ses bouleversements physiques sur son sommeil.
#1. Coucher et lever à des heures régulières
Le sommeil humain peut être comparé à un train. C’est une métaphore qui est d’ailleurs souvent employée par les spécialistes du sommeil. Ainsi, le corps humain, par son rythme circadien, favorise à certaines heures l’endormissement. À ces instants, on peut donc se sentir fatigué. Or, si on manque l’heure idéale pour aller au lit, alors le corps relancera la production d’hormones stimulantes. Un cycle de sommeil durant en moyenne 90 minutes, c’est à peu près le temps qu’il faudra à nouveau attendre pour trouver le sommeil. Par ailleurs, le corps est naturellement fait pour calquer son rythme circadien sur un cycle de 24h. Il est donc essentiel de s’astreindre à des heures de coucher et de lever similaires pour ne pas perturber ce rythme circadien. Certes, à l’adolescence, il est parfois difficile de trouver le sommeil même quand on va au lit avec discipline. Pour autant, se laisser aller à un rythme irrégulier aggravera la situation.
Par ailleurs, il faut se méfier des grasses matinées. En effet, les adolescents sont enclins à se lever plus tard le week-end, libérés de leurs contraintes scolaires. Dans un premier temps, cela leur permet de compenser leur dette de sommeil accumulée pendant la semaine. Malheureusement, à terme, cela contribue à l’installation d’un décalage encore plus délétère. En effet, si le corps ne se met en route le dimanche qu’à partir de 11h, voire midi, il lui faudra tout de même attendre la période habituelle pour déclencher les processus d’endormissement. Autrement dit, il n’est en général pas possible, surtout pour les ados qui sont enclins au retard de phase, de s’endormir tôt s’ils se sont levés tard. Après le week-end, le réveil du lundi sera donc ardu. Et ainsi, la dette de sommeil se reconstituera dès le début de la semaine, relançant le cercle vicieux.
#2. Respecter son rythme circadien
Comme nous venons de l’évoquer, le corps humain envoie aussi des opportunités d’endormissement à différentes heures de la journée. Si ces opportunités sont manquées, alors des hormones stimulantes sont de nouveau sécrétées, empêchant l’endormissement pendant la durée d’environ un cycle de sommeil (90 minutes).
Quand on est adolescent, il est donc essentiel d’écouter son corps et de ne jamais manquer le train du sommeil aussitôt qu’il passe le soir. Les adolescents, pourtant, retardent souvent leur endormissement même lorsqu’ils se sentent fatigués. C’est souvent une conséquence des comportements sociaux propres à leur âge.
Les rapprochements se font, en effet, pendant les soirées entre amis ou par écrans interposés après le diner. C’est normal, c’est quand les parents dorment eux-mêmes que le sentiment de liberté est maximal !
Sans contester ce besoin d’autonomie qui est naturel à cet âge charnière de la vie, il est important que tout ado prenne conscience que le sommeil a une grande influence sur l’humeur. En effet, en manque chronique de sommeil, il est plus difficile de se faire des amis, de se sentir joyeux et plus généralement de profiter de la vie.
#3. Indiquer à son cerveau les périodes de jour et de nuit
Nous avons beaucoup parlé de cycle circadien jusqu’ici, mais saviez-vous que le cycle circadien est en partie calqué sur des éléments extérieurs ? En effet, certains processus dans le corps, en lien avec l’endormissement, se déclenchent en fonction de la luminosité ambiante. C’est ce qui fait de l’homme un animal diurne. Cela permet aussi de recaler son rythme circadien naturellement quand on change de fuseau horaire. Néanmoins, le fonctionnement de ces mécanismes est mis à mal par la lumière artificielle et le temps qu’on passe en intérieur.
Pour le bon fonctionnement de l’horloge interne, il est donc conseillé de souvent sortir prendre la lumière du jour pendant la journée. Par ailleurs, les écrans, sources de lumière bleue, doivent au contraire être évités le soir. Ils peuvent sinon contribuer à berner nos mécanismes circadiens fondées sur la lumière.
#4. Éviter tout stimulant après le repas du soir
Bien sûr, les excitants en tout genre (café, alcool, complétements alimentaires, etc.) devraient être évités après une certaine heure. Selon les individus, la caféine peut produire des effets jusqu’à 6h après la dernière prise. Il est donc conseiller de ne pas boire du café trop tard dans l’après-midi pour ne pas favoriser davantage les troubles de l’endormissement.
#5. Se relaxer avant d’aller au lit
À cause de la stimulation du cerveau qu’ils induisent, les écrans devraient être éteints à partir d’une certaine heure. C’est d’ailleurs valable à tout âge. Or, pour éviter les tentations, les parents peuvent veiller à ce que téléphones et tablettes restent en dehors de la chambre après le dîner. À la place, la lecture d’un livre peut permettre de déconnecter de la journée comme du stress des réseaux sociaux. C’est un moyen efficace de se relaxer en vue d’un bon endormissement.
#6. Bannir les nuits blanches
Quant aux nuits blanches, elles devraient bien sûr être évitées autant que faire se peut. Pour les fois où elles se produisent, préférer une courte nuit et une sieste pour se reposer. Cette méthode limitera le risque de décalage et d’impact trop durable sur le rythme de sommeil pendant le reste de la semaine.
FAQ – Sommeil adolescent
Qu’est-ce que la méthode de la chronothérapie ?
Pendant l’adolescence, il est commun de connaître un décalage du rythme circadien. Ainsi, les ados peuvent se trouver dans la situation où ils se couchent trop tard pour être pleinement reposés avant d’aller en cours. Lorsque c’est le cas, revenir à une heure de coucher idéale peut s’avérer difficile, surtout sans méthode. En effet, ce n’est pas parce qu’on va au lit qu’on dort nécessairement. Or, c’est le sommeil qui importe pour la récupération, moins que le temps passé couché. Malheureusement, quand on a pris l’habitude de se lever tard, surtout en période de vacances, il est difficile de s’endormir tôt. Le défi est encore plus difficile à relever sachant que les jeunes sont plutôt enclins au retard de phase qu’à l’avance de phase (au contraire des séniors).
La méthode idéale consiste donc à se décaler dans le sens moins intuitif, celui consistant à se coucher de plus en plus tard. C’est ce qu’on appelle une chronothérapie. Par exemple, si un adolescent se coucher aujourd’hui à 3h du matin, voici ce qu’il peut faire :
⒈ Jour 1 : coucher à 6h du matin. Réveil à 16h.
⒉ Jour 2 : coucher à 9h du matin. Réveil à 19h.
⒊ Jour 3 : coucher à midi. Réveil à 22h.
⒋ Jour 4 : coucher à 15h. Réveil à 1h du matin.
⒌ Jour 5 : coucher à 18h. Réveil à 4h du matin.
⒍ Jour 6 : coucher à 21h. Réveil à 7h du matin.
⒎ Et ainsi, le retour au rythme imposé par les exigences scolaires est opéré en une semaine. L’enjeu est ensuite de garder le plus longtemps possible la dernière heure de coucher, en s’astreignant à une discipline rigoureuse.
Qu’est-ce que le syndrome de retard de phase du sommeil ?
Le syndrome de retard de phase désigne la tendance progressive à se coucher et se lever de plus en plus tard. En effet, le rythme circadien normal dure environ 24h. Mais chez certaines personnes, ce dernier peut s’allonger légèrement, provoquant un décalage. Aussi, le retard de phase est courant à l’adolescence. Il est également observable chez l’adulte, mais avec une bien plus faible prévalence. Avec l’âge, ce syndrome se fait plus rare, alors qu’au contraire, les avances de phase sont courantes chez les séniors.